Ordonnances Macron : la négociation collective encore remodelée ?

Temps de lecture : 4 minutes

La Loi qui valide les ordonnances Macron apporte quelques précisions en matière de négociation collective. Voici l’essentiel à retenir…

Accords collectifs : conclusion, révision, dénonciation

Alors que la Loi prévoyait jusqu’alors qu’un accord d’entreprise était conclu au niveau de l’entreprise ou de l’établissement, elle précise désormais que l’accord de groupe est également un accord d’entreprise.

La révision ou la dénonciation d’accords obéit aux mêmes modalités que la conclusion des accords.

Lorsqu’une convention ou un accord est dénoncé(e) et qu’il/elle n’a pas été remplacé(e) dans un délai d’un an après l’expiration du préavis (de 3 mois), les salariés des entreprises concernées bénéficient d’une garantie de rémunération dont le montant annuel, pour une durée de travail équivalent à celle de leur contrat de travail, ne peut pas être inférieur à la rémunération versée (en application de l’accord dénoncé) les 12 derniers mois.

Les syndicats peuvent agir en nullité des accords collectifs dans les 2 mois qui suivent :

  • la notification de l’accord pour ceux qui ont une section syndicale dans l’entreprise ;
  • la publication de l’accord pour les autres ou bien, si l’action porte sur des éléments non publiés, à partir du moment où ils ont eu connaissance de ces éléments.

Le casse-tête de la hiérarchie des normes

Dans certains domaines (notamment en matière de minima hiérarchiques, de classification, de durée minimale du travail à temps partiel, etc.), l’accord de branche prévaut sur l’accord d’entreprise. Mais même dans ces domaines « réservés », un accord d’entreprise peut tout de même prévoir des dispositions différentes à la condition qu’il assure des garanties au moins équivalentes. On parle ici de « bloc 1 ».

Dans d’autres domaines (tels que la prévention des effets de l’exposition aux risques professionnels, l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés, etc.), un accord de branche peut prévoir qu’il s’impose aux entreprises même si un accord d’entreprise prévoit le contraire. Mais même dans ces domaines « verrouillés », un accord d’entreprise peut tout de même prévoir des dispositions différentes à la condition qu’il assure des garanties au moins équivalentes. On parle ici de « bloc 2 ».

La Loi prévoit désormais que l’équivalence des garanties s’apprécie sur l’ensemble des garanties portant sur la même matière.

Les clauses de verrouillage prévues par les accords de branche étendus, ou les accords qui couvrent un champ territorial plus large, conclus avant le 24 septembre 2017 survivent si les matières effectivement verrouillées sont celles relevant de l’actuel bloc 2 et à la condition que l’accord fasse l’objet d’un avenant le confirmant avant le 1er janvier 2019.

Les anciens accords qui s’imposaient aux entreprises dans les domaines ni réservés, ni verrouillés (c’est-à-dire les domaines du « bloc 3 ») ne produisent plus d’effet depuis le 1er janvier 2018.

Accords des entreprises de moins de 11 salariés

Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical (DS) et dont l’effectif est inférieur à 11 salariés, l’employeur peut proposer aux salariés un projet d’accord ou d’avenant de révision portant sur tous les sujets ouverts à la négociation collective (durée du travail, notamment). Il communique le projet à chaque salarié au moins 15 jours avant la date prévue de leur consultation. Le projet d’accord doit être validé à la majorité des 2/3.

La Loi précise désormais que dans le silence de l’accord, celui-ci (ou bien son avenant) peut être dénoncé par :

  • l’employeur,
  • les salariés représentant les 2/3 dans le mois qui précède la date d’anniversaire de la conclusion de l’accord.

La dénonciation doit être notifiée à chaque signataire et être déposée auprès du directeur de la Direccte. Elle ne sera effective qu’après un préavis de 3 mois.

Les clauses de l’accord dénoncé restent applicables pendant un délai de 12 mois (qui s’ajoute aux 3 mois de préavis), appelé « délai de survie », à l’issue duquel seul le montant de la rémunération des 12 derniers mois sera garanti aux salariés.

Notez que la révision ou la dénonciation des accords des TPE peut se faire quelles qu’aient été les modalités de conclusion de ces accords, pour pallier les effets de seuil.

Négociation dans les entreprises de 11 à 49 salariés

En l’absence de DS dans les entreprises de 11 à 49 salariés, l’employeur choisit librement de négocier, conclure, réviser ou dénoncer un accord d’entreprise avec un ou plusieurs salariés mandatés ou un ou plusieurs membres titulaires du CSE.

Mais, en l’absence de membre élu au CSE, il est possible, dans les entreprises de 11 à 20 salariés, de recourir au référendum d’entreprise dans les mêmes conditions que pour les entreprises dépourvues de DS et de moins de 11 salariés.

La révision ou la dénonciation des accords peut se faire selon les mêmes modalités que celles prévues pour les entreprises de moins de 11 salariés, quelles qu’aient été les modalités de conclusion de ces accords, pour pallier les effets de seuil.

Négociation dans les entreprises de 50 salariés ou plus

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, en l’absence de DS, l’employeur peut négocier, conclure, réviser ou dénoncer un accord d’entreprise avec un ou plusieurs membres du CSE mandaté(s) par une organisation syndicale. Ce n’est qu’en l’absence de membre du CSE mandaté que l’employeur peut négocier avec des membres du CSE non mandatés.

Toutefois, ces accords ne peuvent porter que sur des mesures dont la mise en œuvre est subordonnée par la Loi à un accord collectif (à l’exclusion des plans de sauvegarde de l’emploi).

Des accords consultables sur internet ?

Les accords collectifs doivent faire l’objet d’une publication sur le site legifrance.gouv.fr.

Jusqu’alors, les organisations syndicales qui souhaitaient que les accords soient publiés de manière anonyme devaient en faire la demande. Désormais, tous les accords sont publiés de manière anonyme.

En outre, l’employeur peut décider d’occulter des éléments portant atteinte aux intérêts stratégiques de l’entreprise.

Les accords d’intéressement, de participation, portant sur un plan épargne d’entreprise ou un plan épargne de retraite complémentaire ne font pas l’objet de publication.

Notez que les accords de branche, les accords professionnels ou interprofessionnels sont, quant à eux, intégralement reproduits.

Rémunération des salariés qui participent aux négociations de branche

Désormais, la rémunération des salariés qui participent aux négociations de branche est prise en charge par le fond paritaire de financement des activités syndicales selon un forfait, qui doit être fixé par un arrêté du ministre du travail.

Ce forfait est applicable aux rémunérations maintenues dans le cadre de la participation aux négociations de branche depuis le 1er janvier 2018.

Obligation d’information de l’employeur

Chaque année, l’employeur informe les salariés, par tout moyen, de la disponibilité des adresses des syndicats représentatifs dans la branche de l’entreprise.

Source : Loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, articles 2, 4, 8 et 21

Ordonnances Macron : la négociation collective encore remodelée ? © Copyright WebLex – 2018

Rechercher sur le site